Will McCallum : Défenseur des droits de l’homme du Royaume-Uni

28.10.2015

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Will McCallum est 'Campaigner' à Greenpeace au Royaume-Uni

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Will McCallum est 'Campaigner' à Greenpeace au Royaume-Uni

« Je dirais que ce sont autant les tactiques utilisées que les thèmes sur lesquels nous travaillons qui provoquent une réaction du gouvernement. Au Royaume-Uni, si tu utilises pleinement le système de liberté d’information ou d’examen judiciaire, tu vas très certainement devoir parler publiquement sur des échecs de politiques gouvernementales. C’est cela qui nous met en ligne de mire. »

Et c’est en mettant en lumière les risques que les politiques de l’énergie et du climat du Royaume-Uni posent aux droits environnementaux que Greenpeace et d’autres groupes environnementaux se sont trouvés la cible de propos désobligeants de la part des autorités comme des médias, mettant en question les motivations de leur travail. Le Secrétaire d’État à l’environnement de l’époque leur a donné l’étiquette de « globe-trotters bien payés », « égocentriques », « centrés sur les mauvaises questions et causant un réel dommage tout en en tirant un grand profit. » Will considère pourtant que ceci est en fait emblématique d’une intolérance gouvernementale au sens large du plaidoyer effectué par la société civile.

« Il y a un bruit de fond anti-ONG généralisé de la part du gouvernement ; il y a un sentiment de non-respect et cela s’est accentué depuis 2012. C’est comme si le gouvernement considérait la remise en cause par la société civile comme un désagrément qu’il faut contrôler. Mais la contestation a une place légitime dans une démocratie et nous pouvons de fait faire en sorte que le gouvernement mette en place des politiques respectant les droits et qu’il protège l’environnement. Il y a un sentiment qu’au Royaume-Uni, le gouvernement voudrait que les ONG jouent le rôle de simples prestataires de services.»

Cette attitude s’est manifestée non seulement dans le discours du gouvernement, mais également dans l’adoption de lois limitant les activités des ONG. Will pointe du doigt la Loi de 2014 sur le lobbying qui impose de fortes limitations financières et administratives sur le travail de plaidoyer des ONG, loi qui fut adoptée autour de la période électorale. Une lettre récente rédigée par 150 ONG a appelé à abroger la loi, suite à une récente enquête indépendante sur son impact.

« Une préoccupation également importante pour nous, cependant, est la révision en cours de la loi sur la liberté d’information. Plus de 140 organisations se sont mobilisées le mois dernier, préoccupées par la tentative apparente de fragiliser la loi. Le gouvernement a mandaté une Commission pour effectuer cette revue, mais presque tous les membres de cette Commission sont des politiques qui ont tous par le passé remis cette loi en question. Où est l’équilibre ? Où est représenté le point de vue de ceux qui croient au potentiel de la loi à rendre le gouvernement responsable de ses actions ? »

Will est préoccupé par les signes suggérant que la Commission va recommander la mise en place de frais pour faire appel en justice de décisions concernant la liberté d’information, procédure actuellement gratuite.

« A Greenpeace, nous avons un certain nombre de ressources que nous pouvons investir dans de tels appels. Mais quel sera l’impact sur des organisations plus petites et des défenseurs des droits de l’homme au niveau local ? Ils dépendent de cette loi pour exiger plus de l’État. »

Un manque de transparence et de consultation réelle sont deux obstacles rendant la tâche difficile aux organisations et communautés dans leur remise en question des impacts environnementaux des projets commerciaux, affirme Will.

 « D’un côté, le gouvernement ne parvient pas à être transparent concernant les acteurs le sollicitant et sur la manière dont il est sollicité ; il n’existe pas de registre efficace de lobbying. Pourtant, d’un autre côté, l’Etat est réticent à écouter ces communautés et ces activistes qui demandent qu’une perspective environnementale soit prise en compte. Le gouvernement veut accélérer les projets commerciaux à tout prix, comme le montre un changement récent apporté au guide de planification permettant au gouvernement central de contourner les autorités locales pour la validation de projets si ces dernières ont pris plus de 16 semaines à évaluer une proposition de projet. »

En écho à une tendance mondiale inquiétante, les organisations de défense des droits environnementaux au Royaume-Uni craignent également la possible utilisation de lois anti-terroristes et de surveillance pour limiter leurs activités de plaidoyer. Alors que le gouvernement britannique cherche à précipiter l’adoption de lois visant à réprimer l’extrémisme, Will s’inquiète du fait que certains des termes vagues de ces lois et les procédures exceptionnelles puissent être potentiellement appliqués à mauvais escient.

« Le gouvernement a déclaré que le projet de loi sur l’Extrémisme vise à faire face à ce qui se trouve au-dessous du seuil légal pour être qualifié de terrorisme. Il est nécessaire d’avoir une définition claire de ce que cela signifie afin de s’assurer que la loi ne puisse pas être utilisée de manière abusive. Pendant ce temps-là, le projet de loi sur la justice pénale et la surveillance (Policing and Criminal Justice Bill) prévoit une période de 90 jours de détention préventive. Toute loi donnant à ces autorités, qui sont déjà relativement intolérantes à toute contestation, le pouvoir d’emprisonner des personnes avant qu’elles n’aient été jugées, doit faire l’objet d’une consultation adéquate avec la société civile locale et les experts internationaux en matière de droits de l’homme avant son adoption.

Ce sera également de la responsabilité du gouvernement de développer des garanties de non-répétition dans les cas de surveillance et d’espionnage de groupes environnementaux par la police, ce qui a mené a une enquête publique sur des activités de surveillance par des policiers infiltrés.

« Mais tout cela fait partie d’une tendance globale de répression de la société civile, en particulier lorsqu’elle est perçue comme ralentissant le rythme des affaires. Beaucoup de nos collègues de Greenpeace à travers le monde subissent des conséquences bien plus difficiles. En Inde par exemple, le gouvernement a été l’auteur d’attaques soutenues contre des organisations de la société civile, y compris Greenpeace, depuis un peu plus d’un an. Au Royaume-Uni, nous sommes relativement chanceux de vivre dans un pays ayant une riche histoire de protestation et d’activisme civique. Cela rend encore plus triste le fait que le gouvernement suive cette tendance et tente de nous réduire au silence. »

Suivez Will sur Twitter at @artofactivsm

 

Dans les semaines et jours précédant le Forum des Nations Unies sur les droits de l’Homme et les entreprises, ISHR publiera une série d’articles rédigés par des experts reconnus tels que des défenseurs des droits de l’Homme, des représentants de l’ONU, des diplomates, des représentants d’entreprises et des ONG internationales. Chaque article comprendra une analyse du rôle crucial des défenseurs et sera inclus dans une compilation qui constituera l’édition spéciale de notre Human Rights Monitor. Cette édition sera publiée  le 9 novembre en français, anglais et espagnol. Les opinions exprimées dans ces articles sont celles de leurs auteurs respectifs et ne reflètent pas nécessairement les positions d’ISHR.